Les 5 idées reçues sur la vulgarisation scientifique.

18 février 2021
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18 février 2021 Louise Sudour

Depuis le 19ème siècle, âge d’or de la diffusion des Sciences par les revues, magazines, romans, musées, conférences publique, la vulgarisation scientifique est autant utile et essentielle que source de débats

Par définition, « vulgariser » consiste à répandre des connaissances en les mettant à la portée du grand public. C’est cette notion de « grand public » qui est parfois connotée comme péjorative voire discriminante, alors qu’aujourd’hui, l’objectif de la vulgarisation est d’instruire et d’inclure tout type de public (expert ou non expert) à une culture scientifique.  

Voici 5 idées reçues sur la vulgarisation scientifique.

1) « Vulgariser, c’est infantiliser son public. »

« Vulgariser » vient du latin vulgare qui signifie « foule ». Ce terme ambigu par son étymologie peut renvoyer, à tort, à l’image de la « vulgaire populace » dans le besoin d’être instruite. 

Or la population actuelle est beaucoup plus instruite qu’avant et n’a plus seulement le besoin mais la curiosité et le droit d’être informée.  Ainsi, vulgariser, c’est populariser, mais sûrement pas infantiliser. 

Illustration extraite de « Atmosphère » : météorologie populaire, de Camille Flammarion, 1888.
© Société Astronomique de France, Paris

Au XIXe siècle, le vulgarisateur et astronome Camille Flammarion prévient déjà de cette ambiguïté : « Nous voulons populariser la science, c’est-à-dire la rendre accessible sans la diminuer ni l’altérer, à toutes les intelligences qui en comprennent la valeur et veulent bien se donner la peine d’apporter quelque attention aux études sérieuses ; mais nous ne voulons pas la vulgariser, la faire descendre au niveau du vulgaire indifférent, léger ou railleur. Il y a là une distinction qu’on ne fait pas assez ».

Le vulgarisateur part donc du principe qu’il s’adresse à un public curieux, à l’esprit ouvert et critique, éduqué, et dont l’éducation passe elle-même par la transmission du savoir, donc par la vulgarisation. La boucle est bouclée. 

2) « La vulgarisation n’est pas nécessaire entre scientifiques. »

La vulgarisation s’adapte à son public. Celui-ci peut être : un étudiant intéressé, un enfant curieux, un amateur en quête de découvertes … ou même un spécialiste expert ! En effet, il est indispensable à la communauté scientifique de faire connaitre ses avancées et découvertes au sein même d’une unité de recherche. Pourquoi ? Pour les mêmes raisons qui poussent les chercheurs à faire des conférences scientifiques, congrès ou meetings derrière une estrade et un Powerpoint de 457 diapositives. La Science évolue et le but est d’instruire des confrères sur la découverte de nouveaux résultats qui pourraient être utiles dans leurs études. C’est aussi d’impliquer des collaborateurs et d’attirer l’attention des partenaires et investisseurs sur une recherche en cours. La Déclaration sur la Science et l’Utilisation du Savoir Scientifique adoptée en 1999 par l’UNESCO, rappelle en effet que « la promotion de la recherche fondamentale et appliquée est essentielle si l’on veut réaliser un développement et un progrès endogènes ». La vulgarisation se doit donc d’exposer les avancées scientifiques en les synthétisant simplement mais de manière pointue.

Pour appuyer leurs discours, les scientifiques ne peuvent pas toujours piocher dans les banques d’images en ligne pour fleurir leurs présentations. En effet, les visuels disponibles manquent de pertinence face au sujet de recherche traité, celui-ci étant encore trop nouveau ou précis pour avoir été représenté graphiquement. La production par un vulgarisateur d’un contenu à jour et sur mesure est alors nécessaire.

Banques d'images

Les banques d’images font elles le job de la vulgarisation ?

Il est alors légitime de se demander pourquoi le scientifique ne pourrait pas, lui-même, vulgariser son propre sujet d’étude, dont il est l’architecte. Ceci nous amène à l’idée reçue numéro 3. 

3) « Vulgariser ? Tout le monde peut le faire ! »

Pour vulgariser, beaucoup pensent qu’il suffit de remplacer les termes complexes des scientifiques par des mots compris de tous. Si c’était le cas, tout scientifique pourrait se contenter d’endosser lui-même la casquette du vulgarisateur.  

Néanmoins, vulgariser prend du temps et nécessite des qualités de communication poussées. C’est un métier à part entière où le vulgarisateur a un double rôle. D’une part, par sa spécialité, il possède des notions solides en Sciences, le rendant apte à retranscrire clairement une idée scientifique. D’autre part, c’est une personne extérieure au sujet scientifique traité. Il a donc une vision plus globale qui lui permet d’aller à l’essentiel quant à la diffusion du message scientifique. Cette double compétence nécessite une méthode rigoureuse de sélection d’informations et qui étonnamment, n’est pas toujours intuitivement appliquée par le scientifique, souvent trop généreux et qui voudrait « tout expliquer». 

Ainsi, même si le spécialiste en vulgarisation est le mieux placé pour communiquer une nouveauté scientifique, il n’exclue aucunement le scientifique de sa mission de diffusion. Au contraire, le rôle du scientifique est essentiel et c’est un travail collaboratif qui est mené. Documentation, interrogations de plusieurs chercheurs… Le processus de vulgarisation passe par de multiples échanges. 

4) « Vulgariser c’est faire des raccourcis donc vider le sujet de sa substance.»

Je remplacerais cette affirmation par la suivante : « vulgariser c’est retirer les détails faisant obstacles à la compréhension d’un sujet ou d’un message scientifique à diffuser ». Le travail d’un vulgarisateur scientifique est en effet d’épurer l’information pour la rendre plus accessible. 

Simplification du principe de fonctionnement d’un Réacteur nucléaire au Thorium réalisé pour Science & Vie.

Il est facile de croire que toute tentative de transposition du langage scientifique est inévitablement une trahison. Mais comme dans toute communication, il faut faire des choix. A qui s’adresse-t-on ? Quel est le but de la communication ? Pour certains, il s’agit d’enseigner. Pour d’autres, la présentation de la méthode scientifique et de la démarche des chercheurs prime sur le contenu de l’expérience. Parfois, c’est le simple fait d’intéresser ou d’informer de l’existence d’un sujet qui est important. Tout est envisageable en termes de visée communicative, tant que celle-ci reste dans une éthique de diffusion de l’information et de la culture scientifique vérifiée. 

En fonction de la visée communicative choisie (informer, intéresser, expliquer en détail…), la vulgarisation mettra en avant certains enjeux scientifiques et sélectionnera les notions importantes à la compréhension. La vulgarisation passe par une écriture, voire une narration scientifique afin de remettre le sujet dans son contexte. Gardons en tête que le but d’une communication est d’être lue et/ou vue. Il est donc nécessaire de faciliter la réception du message par l’interlocuteur. En ce sens, Denis Guedj écrivait dans son roman Le théorème du perroquet : « Il faut aux vérités de la science de belles histoires pour que les hommes s’y attachent. Le mythe, ici, n’est pas là pour entrer en concurrence avec le vrai, mais pour le rattacher à ce à quoi les hommes tiennent et qui les font rêver ».

Il n’existe donc pas « une » mais « des » vulgarisations scientifiques qui peuvent prendre plusieurs formes, le fond scientifique restant le même. Par exemple, pour un même sujet scientifique, si le but est d’expliquer dynamiquement une notion, le support de la vidéo d’animation 3D est une piste idéale. Si le but est d’initier le public à la pratique de la méthode scientifique, l’immersion dans un laboratoire en Réalité Virtuelle est une expérience enrichissante adaptée. 

Voir des exemples d’illustrations de vulgarisation

5) « La dimension artistique de la vulgarisation altère le message scientifique. »

Planche de Haeckel sur les radiolaires

Planche de Haeckel sur les radiolaires

L’association des Arts visuels et de la Science est pratiquée depuis toujours.  Par exemple, dans les années 1860, Ernst Haeckel liait la biologie et l’art dans ses représentations de radiolaires, ces micro-organismes monocellulaires. Il cherchait ainsi à mettre des images sur l’existence de ces formes biologiques invisibles à l’œil nu. 

La dimension artistique peut même être un moteur pour intéresser à un sujet scientifique complexe. C’est la conclusion de l’étude menée par la chercheuse Joanne Clavel. Partisane de « l’écologie esthétique », elle a étudié la réception par le public d’un spectacle de danse à contenu scientifique, au Jardin des plantes de Paris.

Dans un premier temps, il s’avère que le prospectus scientifique qui accompagne le spectacle est très peu lu : les spectateurs sont d’abord surpris par le spectacle de danse et s’arrêtent pour y assister. Ce n’est qu’une fois leur intérêt enclenché, qu’ils deviennent curieux de l’aspect scientifique. 80 % des spectateurs reconnaissent une interprétation d’oiseaux et ressentent des émotions fortes (note moyenne de 3,5 sur une échelle allant de -5 à 5). Il s’agit là d’une nouvelle approche d’apprentissage et de transmission des connaissances : la médiation par la danse renvoie aux dimensions esthétiques et sensibles de la biologie et pas uniquement à sa dimension cognitive classique. Ici,  le travail  scientifique de fond est mis en avant par la forme. 

Ainsi, la vulgarisation scientifique prend aujourd’hui de multiples formes s’adaptant au public auquel elle est destinée. En même temps que la Science, elle évolue en gardant pour principe d’instruire et diffuser l’information de manière simple, dynamique et juste.

 

Sources : 

https://theconversation.com/dix-autres-idees-fausses-sur-la-vulgarisation-scientifique-89562

https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/368

http://www.danse.univ-paris8.fr/chercheur.php?cc_id=3&ch_id=37

http://www.unesco.org/science/wcs/fre/declaration_f.htm#savoir

Louise Sudour
Médiatrice Scientifique

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